LES NOTES DE CET ARTICLE

SAINT KAZANTZAKI

Réflexions sur «La dernière tentation»

par Jean Kontaxopoulos (*)

 

            «Les Dieux n'étant plus, et le Christ n'étant pas encore, il y a eu,
de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l'homme seul a été»
                       
Gustave Flaubert, Correspondance

«Peut-on être un saint sans Dieu?»
           
Albert Camus, La Peste  

            Cinq oeuvres de Nikos Kazantzaki abordent l'idée du Christ et de la religion : la pièce (inédite en français) Le Christ (1928), le poème éponyme dans Tertsines [Canta] (1939) (1), le chant XXI de L'Odyssée (1938) (2), les romans Le Christ recrucifié (1950) et La dernière tentation (1952). Cet ultimum opus du romancier est, à notre sens, le plus dense, le plus complet et le plus ciblé sur la biographie de Jésus-Christ sans pour autant prétendre la retranscrire historiquement. Si Kazantzaki s'en inspire librement, ce qui l'intéresse surtout c'est, à travers le Christ, l'homme qui lutte contre soi-même. Son Christ est, en quelque sorte, ramené à l'échelle humaine ou, mieux, créé à l'image et à la ressemblance de l'Homme. C'est pourquoi l'accent est mis sur le conflit intérieur qui déchire Jésus de Nazareth entre la spiritualité et la vie conventionnelle, et non pas sur son caractère divin. Certes, pour y arriver Kazantzaki utilise des outils freudiens, tels le pouvoir de l'inconscient (le rêve du Christ sur la Croix) et le rôle du désir sexuel (fantasme de Jésus faisant l'amour avec Marie-Madeleine) (3). Or, ces éléments ne minimisent point le Christ, qui parvient finalement à les dépasser, mais, au contraire, le rendent quelqu'un «avec qui on pouvait s'asseoir pour boire un verre ou dîner», selon la formulation osée mais juste, nous semble-t-il, du réalisateur Martin Scorsese (4). La dernière tentation est, en définitive, une des plus belles leçons d'humanité. Car, comme disait Jean Cocteau, «le diable représente en quelque sorte les défauts de Dieu. Sans le diable le Dieu serait inhumain » (5). A travers ce roman et la polémique qu'il a suscitée, nous essaierons d'éclairer deux notions majeures et récurrentes dans la philosophie de Kazantzaki : le Christ (I) et la religion (II).

 

I. Le Christ: ni Dieu, ni Diable. Ecce Homo !

    Dans une lettre à son éditeur suédois Börje Knös, Kazantzaki écrit (le 13 novembre 1951) à propos de La dernière tentation : «J'ai voulu renouveler et compléter le mythe sacré qui est la base de la grande civilisation chrétienne de l'Occident. Ce n'est point une simple biographie du Christ, mais un douloureux et saint effort créateur pour réincarner l'essence du Christ - éliminant les scories, les mensonges et les mesquineries dont toutes les églises et tous les porteurs de soutane de la chrétienté l'ont chargé et ainsi défiguré.
    »Souvent mes manuscrits étaient tachés... parce que je ne pouvais pas retenir mes larmes. Certaines paraboles qu'il n'est pas possible que Jésus ait laissées ainsi incomplètes, comme nous les trouvons dans les Evangiles, je les ai complétées et je leur ai donné la fin noble et compatissante digne de son cœur ; des paroles qu'il n'a peut-être pas prononcées, je les mets dans sa bouche, parce que c'est cela qu'il aurait dit, si ses disciples avaient eu sa force psychique et sa pureté. Et partout poésie, amour pour les bêtes, pour l'herbe, pour les hommes, confiance en l'âme, certitude que la lumière vaincra.
    » Pendant une année, j'ai emprunté à la bibliothèque de Cannes tous les livres qui ont été écrits sur le Christ, sur la Judée, les chroniques de cette époque, le Talmud, etc.; ainsi tous les détails sont historiquement justes, mais l'on reconnaît au poète le droit de ne pas suivre servilement l'histoire, la poésie est plus philosophique que l'histoire» (6).

    Le roman commence avec un Jésus, charpentier, qui fabrique des croix que les Romains utilisent pour les crucifixions des agitateurs. Esprit inquiet et rebelle, il décide, après avoir été honni par ses compatriotes et traité de crucifieur (traduisez: «collaborateur», comme le lui reproche Judas, personnage ici bien plus important dans la narration qu'il ne l'est dans la Bible) (7), de s'isoler et de se recueillir dans le désert à l'abri d'un cercle tracé dans la poussière, d'où il reviendra convaincu d'être le fils de Dieu. Par la suite, il prêche l'amour, mais son influence est si grande qu'il est condamné à mourir sur la croix. C'est alors qu'une hallucination, un songe, lui fait sournoisement croire que les convenances sociales (famille, maison, profession respectable, sécurité) sont le secret du bonheur humain (8). Un ange du démon (un «négrillon» dans le roman, une jeune fille anglaise dans le film pour éviter sans doute les connotations) apparaît, en effet, à Jésus au Golgotha, lui enlève ses clous, le descend de son calvaire et le ramène à une vie d'homme rangé, en le persuadant qu'il a assez souffert. Il ne succombera pas finalement à cette dernière tentation ; il se dépassera. La marche spirituelle du Christ vers l'union avec Dieu est la même lutte à laquelle Kazantzaki invite son lecteur : si Kazantzaki impose à ses héros une ligne de conduite, c'est pour leur offrir, en même temps, la volonté de la transgresser, de s'échapper (contradiction constante dans toute l'oeuvre du romancier).
    Tout au long du livre, on voit, en effet, Jésus lutter pour monter de degré en degré dans la connaissance de soi, pour parvenir aussi haut que peuvent le mener sa force et son obstination. Tourmenté et hésitant, comme Hamlet, dubitatif et angoissé, il n'en est pas moins têtu dans la quête de lui-même (9). Il se débat toujours, avec son démon qui prend tour à tour la forme d'un serpent (tentation de la séduction), d'un lion (tentation de la richesse), d'une grande flamme (tentation du pouvoir). Il ne serait pas exagéré de dire que le Christ de Kazantzaki peut être chacun d'entre nous, tandis que le Christ des Evangiles est unique et inaccessible à l'homme. Celui-ci délivre de la souffrance, fût-ce par des miracles, tandis que celui-là souffre. Le premier appelle à l'humilité, ne serait-ce que par la crainte de l'Enfer, tandis que le second est humble lui-même. L’un est un Sauveur, l'autre, un Sauvé. Bref, le Christ «kazantzakien» est au-dedans de nous et non pas devant nous : «Dieu n'est pas l'ancêtre, il est le descendant de l'homme», a pu écrire Kazantzaki dans le Rapport au Greco (1961) (10), conception si humble, en réalité, contrairement à ce qu'un vain peuple pense. Ce n'est pas par hasard, d'ailleurs, que le livre s'intitule La dernière tentation tout court et non pas «La dernière tentation du Christ», titre plutôt restrictif, qui suggérerait que le roman n'est qu'une biographie du Christ.
   Le Christ selon Kazantzaki n'est donc Dieu que dans la mesure où il est un homme porté à sa plus haute puissance. Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait, prêche le Christ des Evangiles. Au contraire : sois humain comme nous-mêmes, semble dire Kazantzaki à son Christ, et il le soumet aux mêmes épreuves de l'homme qui lutte. A-t-il fallu moins de foi à Kazantzaki pour faire du Christ un vainqueur de ses terribles tentations (ne serait-ce que dans la tragique solitude de sa mort), qu'à ceux qui croient à son invulnérabilité métaphysique? A notre sens, la convivialité dans les relations entre le Christ (« puissant, mais non tout-puissant») (11) et l'homme (faible, mais libre et responsable) n'est point blasphématoire. C'est justement l'abolition de la distance entre eux, voire la reconnaissance d'une certaine vulnérabilité chez le Christ, qui permet à l'homme de découvrir sa divine nature. Celui-ci, dans sa peur et sa médiocrité mêmes, découvre la source de son héroïsme. Selon Kazantzaki et contrairement à certains enseignements passés de l'Eglise, chaque individu ne doit pas, par faiblesse, se décharger sur Dieu de son propre destin, mais il doit engager sa propre responsabilité (12). Cette approche «kazantzakienne» ressemble, il est vrai, à celle des Grecs anciens, à la seule différence peut-être que ces derniers ont, en plus, osé à la fois honorer leurs dieux et se gausser d'eux et, partant, d'eux-mêmes (nous pensons surtout à Aristophane). Mais Kazantzaki ne se moque jamais du Christ, pour lequel, au contraire, il éprouve de la compassion.

    L’esprit «terrestre» de La dernière tentation est davantage accentué par la présence de caractères qui nous rappellent l'allégresse légendaire d'Alexis Zorba (1946), tel l'apôtre Thomas: «Le fils de Marie l'aimait, il le voyait souvent passer devant son atelier, sa trompe à la ceinture. Il revenait de sa tournée dans les villages, déposait son baluchon sur le banc et se mettait à parier de tout ce qu'il avait vu, plaisantait, taquinait, riait. Il n'avait confiance ni dans le dieu d’Israël, ni dans les autres dieux.[..] Le fils de Marie l'écoutait, son coeur serré se détendait un peu, il admirait la malice de ce cerveau qui, malgré toute sa pauvreté, toute la servitude et toute la misère de sa race, trouvait la force, en riant, en se moquant, de triompher de la servitude et de la pauvreté » (13).
  
Dans la préface de La dernière tentation, Kazantzaki défend une fois pour toutes son œuvre : «Tout homme est un homme-dieu, chair et esprit. Voilà pourquoi le mystère du Christ n'est pas seulement le mystère d'un culte particulier mais touche tous les hommes. En chaque homme, éclate la lutte de Dieu et de l'homme, inséparable de leur désir anxieux de réconciliation. Le plus souvent cette lutte est inconsciente et dure peu, une âme faible n'a pas la force de résister longtemps à la chair ; elle s'appesantit, devient chair elle-même et la lutte prend fin. Mais chez les hommes responsables qui gardent jour et nuit les yeux fixés sur le Devoir suprême, cette lutte entre la chair et l'esprit éclate sans merci et peut durer jusqu'à la mort» (14). Et il poursuit : «Pour monter au sommet du sacrifice, sur la croix, au sommet de l'immatérialité, à Dieu, le Christ est passé par toutes les épreuves de l'homme qui lutte. Toutes, et c'est pourquoi sa souffrance même nous est si familière, pourquoi nous la souffrons avec lui, et pourquoi sa victoire finale nous apparaît tellement comme notre victoire future. Tout ce que le Christ avait de profondément humain nous aide à le comprendre, à l'aimer et à suivre sa Passion, comme si c'était la nôtre» (15).
  
Cet aspect humain est flagrant dans la tragédie Le Christ, où l'on voit que Jésus a mal lorsque Thomas lui touche ses plaies et se met à pleurer ! (16) Dans le même ordre d'idées Kazantzaki écrit également : «Le Christ, pour moi, est l'archétype du héros. Le modèle suprême. L'union dans Jésus-Christ du divin et de l'humain fut pour moi toujours un mystère insondable. L'aspiration surhumaine et en même temps si humaine, de venir à Dieu et de s'unir à lui m'est toujours apparue l'aboutissement extrême de la destinée humaine. Il y a cette dualité du corps et de l'esprit, l'égoïsme ancestral de l'humain, et en même temps ses élans irrésistibles vers la lumière. Transmuer ces ténèbres en lumière fut le devoir que je me suis donné. J'aimais mon corps, j'aimais mon âme, et je m'efforçais de concilier ces deux ennemis et ces deux collaborateurs. Ils ne se savaient pas collaborateurs mais quelqu'un en moi le savait. Ils se mettaient à transformer leur haine en amour, entreprise qui me surpassait. J’étais désespéré. C'est alors que Christ m'apparut sous la forme qui convenait à mon angoisse, comme un modèle suprême, comme la plus haute réussite de la lutte entre la chair et l'esprit, comme l'absorption intégrale de la haine par l'amour. Je m'excuse d'employer souvent, dans mes écrits, le mot Dieu. Mais quel mot pourrait emprisonner l'infini ?» (17) Cette obsession de Kazantzaki pour trouver Dieu ressort également d'un témoignage insolite d'Alexandre lolas (célèbre galeriste et mécène grec) qui, ayant connu Kazantzaki par l'intermédiaire du poète Angélos Sikélianos, raconte dans sa biographie: «Une autre fois Kazantzaki, confus, en colère, il s'est mis à crier : « je l'ai vu, je l'ai vu » « Qui as-tu vu? », je lui demandai. « Dieu, Dieu », s'exclama-t-il, avec la ferveur de l'homme en colère» (18).
  
Au demeurant, cette vision christologique est également celle de Walt Whitman, selon qui Dieu est quelquefois un mystère insondable, et quelquefois un être inférieur au Moi universel, incarné dans l'homme libre: «J’entends et je contemple Dieu en chaque objet, /pourtant je ne comprends pas Dieu du tout... / Nous regardons comme divines bibles et religions / je ne prétends pas qu'elles ne soient pas divines, / Je prétends qu'elles sont toutes sorties de toi et / peuvent encore sortir de toi, / Ce n'est pas elles qui donnent la vie, c'est toi qui donnes la vie... » (19) André Gide s'inscrit, d'ailleurs, dans la même lignée en ouvrant ainsi Les Nourritures terrestres (1897): «Ne souhaite pas, Nathanael, trouver Dieu ailleurs que partout. Chaque créature indique Dieu, aucune ne le révèle» (20) ; mais aussi Jean Cocteau qui écrit dans Le Potomak (1919) : «Qui se penche sur soi aide les autres, révèle, divulgue, touche Dieu. […] Nous avons tous la même âme, ou mieux, de la même âme. Dieu fragmentaire. [...] Plus ou moins grande la dose, mais chacun héberge Dieu » (21). On pourrait ajouter à la même liste Albert Camus. Faisant un rapprochement des deux écrivains, M.-L. Bidal-Baudier parvient à un point de rencontre assurément remarquable : «Dieu est mort ou absent de ce monde ; il s'agit donc de le remplacer par l'homme. [ .. ] Voyant s'écrouler les structures de sa foi sous l'influence de Nietzsche, [Kazantzaki] a rêvé de jeter Dieu à bas de son trône pour y installer l'homme à sa place et faire régner sur la terre un ordre nouveau» (22).

  
Le Christ de Kazantzaki n'est donc qu'un homme agrandi, accessible à toute personne capable de résister à la (dernière) tentation de la vie paisible et banale. Dans son Rapport au Greco, Kazantzaki invite à «refuser toutes les consolations - dieux, patries, vérités - rester seul et se mettre à créer soi-même, avec sa seule force, un monde qui ne déshonore pas son coeur» (23), en un mot, à devenir architecte de son sort. Le néologisme kazantzakien est (en grec) «Monias», une espèce, on dirait, de solitaire insolite et fier (24). Or, le risque d'un Christ trop humain serait qu'il devient un Christ tout à fait humain. La dernière tentation, c'est donc le conformisme en général, «l'humain, trop humain» (25) de son cher maître Nietzsche et non la vie sexuelle, ce qui serait trop réducteur (26). Après lui avoir offert et la fortune et le pouvoir, le diable jouant sa dernière carte offre à Jésus la tentation d'une vie normale. Ce n'est pas par hasard que sur les 510 pages du roman (et les 164 minutes du film), la scène essentielle de la dernière tentation n'occupe que 54 pages (vingt minutes). En effet, pour montrer la vie banale du Christ-père de famille jusqu'à sa vieillesse, ces quelques pages suffisent largement et insinuent l'absence d'intérêt dans sa vie de petit-bourgeois, censée pourtant durer plus de quarante ans. C'est bien, au demeurant, la seule tentation à laquelle on comprend que Jésus puisse peut-être céder (les autres, celles des Ecritures, dûment citées par Kazantzaki, sont trop simplistes).
    Aussi arrive-t-on à la philosophie essentielle de Kazantzaki, qui consiste à rechercher le Dieu en l'homme, cette part en lui qui peut le rendre surhomme. Dans La dernière tentation on lit : « la vie terrestre cela veut dire : manger du pain et transformer ce pain en ailes, boire de l'eau et en faire des ailes ; la vie terrestre cela veut dire : qu'il vous pousse des ailes !» (27). Pour Kazantzaki, Dieu et l'homme sont complémentaires, ou mieux solidaires : «Le Christ est solidaire de l'homme dont il connaît la souffrance» (28), écrit -Kazantzaki dans Les frères ennemis (1949). Et il ajoute dans La dernière tentation : «Dieu et l'homme réunis font de grandes choses. Dieu sans l'homme n'aurait pas sur terre un esprit qui rende un reflet plus intelligible de ses créatures […], il n'aurait pas sur terre un coeur qui souffre d'inquiétudes qui ne sont pas les siennes […] et qui s'acharne à fabriquer des vertus et des angoisses que Dieu a refusé, oublié ou redouté de créer[...] Et l'homme, inversement, sans Dieu, désarmé comme il l'est à sa naissance, la faim, la peur et le froid l'auraient anéanti. [...] Et s'il réussissait par une lutte incessante à se tenir sur ses pattes de derrière, il ne pourrait jamais se libérer de l'étreinte chaude et tendre de sa mère la guenon", pensait Jésus et c'était la première fois, ce jour-là, qu'il sentait aussi profondément que Dieu et l'homme peuvent ne faire plus qu'un» (29).

   
Un second aspect important est que le roman est pratiquement exempt d'éléments surnaturels ou d'épisodes de la vie de Jésus où l'homme serait impuissant. Car La dernière tentation est, en définitive, un hymne à la grandeur de l'homme, ou du moins, à la fragile grandeur de l'homme. Il n'y a pas donc d'intervention de Dieu qui sauve, par miracle, Jésus lorsque le roi Hérode ordonne le massacre des nouveau-nés. Le Christ de Kazantzaki ne marche pas sur la mer ; de même qu'il ne ressuscite pas, à moins que la résurrection ne soit intériorisée et symbolisée par le réveil du Christ après son rêve, ce qui rejoindrait Le pauvre d'Assise (1956) : «Crucifixion et Résurrection ne font qu'un». Les figures parentales (Joseph et Marie) sont, enfin, complètement absentes, d'autant plus que leur rôle est nettement passif. Etant des êtres qui subissent sans jamais agir librement, ils n'intéressent pas Kazantzaki (30). Les quelques miracles cités contribuent à démontrer la coexistence du surnaturel avec le naturel, du sacré avec le profane, en d'autres termes, la double nature inséparable du Christ. Qui plus est, au lieu de sourire à ces miracles, Jésus en est terrifié.

    Cette vision individualiste est à distinguer de la vision communiste du Christ, telle que décrite dans un autre film célèbre, «L'Evangile selon Mathieu» («Il Vangelo secondo Matteo », 1964) de Pier Paolo Pasolini. Celui-ci présente, en effet, Jésus comme le Messie du sous-prolétariat, qui se révolte au fond contre le pouvoir en place («Ne croyez pas que je suis venu apporter la paix ici-bas. Je suis venu apporter le glaive... Celui qui aime son père et sa mère plus que moi, celui-là n'est pas digne de moi», nous dit ce Christ-conspirateur). Or, cet aspect est étranger à la pensée de Kazantzaki, pour qui la passion du Christ, ou mieux, la passion de tout individu pour devenir Dieu est une affaire personnelle (31). Chez lui la religion est plutôt une affaire intérieure, éloignée de tout dogme et donc par définition laïque. D'où par exemple la polymorphie du personnage du Christ (dans la tragédie éponyme de 1928), qui reflète la variété des individus (32). L’originalité de la pensée tout entière de Kazantzaki réside donc dans «le glissement d'une notion objective de Dieu, de sa transcendance, d'un univers où il est le créateur, à la notion subjective d'un Dieu crée par l’individu» (33).

      En somme, et comme toujours chez Kazantzaki, un texte admirable de puissance et de poésie confère une étonnante vérité à cette étrange aventure en se refusant de juger. Ni coupable ni innocent mais bien réel, fait de chair et de sang, Jésus est observé avec une compassion qui en dit long sur l'identification que l'écrivain nourrissait à l'égard des âmes-palestres où s'affrontent la chair et l'esprit. Il faut une singulière dose de génie pour nous faire sentir ce combat tout intérieur. Nous pensons donc que le film de Scorsese, ancien séminariste lui-même, est, lui aussi, réussi dans la mesure où une production hollywoodienne (et anti-hollywoodienne à la fois) qui magnifie le romanesque et l'épopée souligne la tumultueuse aventure intérieure d'une plongée dans l'univers torturé et salutaire de Kazantzaki (34).
   
Cela dit, on peut légitimement se demander pourquoi le livre paru pour la première fois en allemand en 1952, et le film de 1988, ont, avec le même acharnement, provoqué l'ire des autorités religieuses (catholiques comme orthodoxes) et ont valu à Kazantzaki une menace d'excommunication (35). Il est évident que la vision christologique de Kazantzaki, selon laquelle on peut s'identifier au Christ sans avoir à embrasser une religion et ses dogmes, constitue un danger pour le pouvoir religieux, qui s'est autoproclamé l'intercesseur entre l'homme et Dieu. Or, Kazantzaki restaure une communication directe avec Dieu (36). Il suit le proverbe : il vaut mieux s'adresser au Bon Dieu qu'à ses saints. Car il n'y pas de détenteurs de droit moral sur le personnage historique du Christ. Il appartient à tous, y compris aux romanciers et aux cinéastes, voire aux agnostiques.

 

II. La religion, cette «Sainte Table de Jeu»

    Si le roman de Kazantzaki est une alternative aux Ecritures, le film de Scorsese a été vu comme une alternative aux icônes religieuses. Dans un entretien avec Alain Finkielkraut, à propos de La dernière tentation, le philosophe se demande justement : «A partir du moment où une religion décide que Dieu est irreprésentable, elle est en droit de se formaliser de sa représentation. Mais si c'est le cas inverse, qu'est-ce qui fait qu'une représentation soit bonne ou mauvaise ?» (37) Aussi bien le film que l'icône possèdent la puissance de l'image, particulièrement importante dans notre société contemporaine. C'est, en fait, le pouvoir de l'univers médiatique qui effraya l'Eglise dans cette affaire. Les mots imprimés de Kazantzaki perturbent moins que les images supposées réelles de Scorsese. Qui plus est, le spectateur s'identifie traditionnellement au protagoniste d'un film (réaliste) et en l'occurrence, il ne s'agit pas de n'importe quel héros ! (38) Si le Christ-homme a du mal et peut y arriver, nous aussi... Avec le livre et le film deux brèches s'ouvrent ainsi dans le corpus de la religion.

    De la religion, Nikos Kazantzaki n'a gardé que sa poésie (39). Le reste lui semblait un piège, un bagne. «Liberté veut dire se battre sur terre sans espoir», nous dit-il dans L'Odyssée (40). Nous ne souhaitons pas émettre des jugements personnels, à l'exception peut-être d'une intime conviction, que Kazantzaki était allergique à tout pouvoir institutionnalisé, qu'il soit celui de l'Eglise, de la Police, de l'Armée, de l'Etat ou des partis politiques.
    Dans Le dissident (1968) d'Eleni Kazantzaki, son épouse, on lit une première réaction de Kazantzaki, datant du 1er mai 1954 : «l'éditeur allemand m'a annoncé hier : La dernière tentation à l'index. L'étroitesse d'esprit et de coeur des hommes m'étonne toujours ; voilà un livre que j'ai écrit dans un état de grande exaltation religieuse, avec un amour ardent pour le Christ, le pape ne comprend rien et le condamne ! Il est dans l'ordre des choses que je sois condamné par la mesquinerie de ce monde d'esclaves..(41) Et il poursuit (14 mai 1954) : « Capétan Mihalis fait encore bouillir le sang des Grecs ; le métropolite de Chios l'a dénoncé comme indécent, traître et antireligieux envers la Crète ! Vous pouvez ainsi vous imaginer dans quelle barbarie sombre notre patrie, c'est à dire les Grecs officiels et les religieux. Et l’Eglise orthodoxe d’Amérique du Nord a condamné La dernière tentation comme fort indécente, athée et traître. Mais elle avoue qu'elle ne l'a pas lue, et qu'elle s'est référée aux critiques du journal Hestia. Et moi, je reste à Antibes dans la solitude, calme, rivé à ma tâche, et je travaille, autant que je le puis, la langue et l'esprit grecs éternels. A ton tribunal, Seigneur, je fais appel» (42). Cette phrase de Tertullien, Kazantzaki l'a télégraphiée en latin à la commission de l'index. A l'adresse de l'Eglise orthodoxe grecque, il ajouta: «Vous m'avez maudit, saints Pères, moi, je vous bénis. Je souhaite que votre conscience soit aussi nette que la mienne et que vous soyez aussi moraux et aussi religieux que je le suis» (43).
   
Kazantzaki voit en la religion conventionnelle une espèce de machine infernale qui se moque de l'homme, dans ce que son angoisse a de plus sacré. A ses yeux, la religion est un symptôme de décadence, un opium du peuple (pour parler comme Marx, dont la critique de la religion a sûrement influencé Kazantzaki), un pis-aller des faibles et des vaincus. Cette thèse devient une constante dans toute l’oeuvre de Kazantzaki, depuis sa première publication jusqu'à son dernier livre. En effet, avec Friedrich Nietzsche dans la philosophie du droit et de l'Etat (1909), le jeune Kazantzaki (26 ans) inaugure sa pensée: «La Religion […] est une fabrication de la faiblesse et de la crainte. Elle témoigne du besoin de l'homme de s'appuyer quelque part, d'avoir un début et une fin, un appui, une réponse quelconque à l'angoisse de son âme. Lorsque la volonté de l'homme était forte, celui-ci n'avait pas besoin d'un tel appui ; sa volonté allait droit au but, s'extériorisant comme une force naturelle. Lorsque la volonté de l'homme était faible et qu'il perdait son courage, à cause des dangers et des résistances, il cherchait consolation et refuge auprès de la religion : l'homme tenta d'apprivoiser, par les prières, par le ritualisme, par le sacrifice de sa propre force et de son propre plaisir, les grandes puissances hostiles, qui le menaçaient et le massacraient. [...] Plus tard, cette situation trouva ses ingénieux organisateurs, qui ont formalisé et incorporé ces instincts de la faiblesse et de la crainte dans des règles, des dogmes, des rites, et ainsi leur ont conféré le prestige d'un système et d'une forme précise» (44).
   
Dans Le Christ recrucifié Kazantzaki surenchérit avec une sacrée dose d'ironie : «Le pope ? Un publicain ! Il a ouvert une officine, l'a baptisée église et vend le Christ au détail. Ce charlatan prétend guérir toutes les maladies. "Quelle maladie as-tu, toi? J'ai menti. Un gramme de Christ : c'est tant de piastres. Et toi ? J'ai volé. Dix grammes ; c'est tant. Et toi ? - J'ai tué. - Ah! malheureux, c'est une maladie grave. Tu prendras le soir, avant de t'endormir, une demi livre de Christ. Cela va te coûter cher : c'est tant. - Vous ne me faites pas de rabais, mon père ? - C'est le tarif. Paie ; sinon tu iras rôtir au fin fond de l'enfer". Il lui montre les images qu'il a dans sa boutique, où l'on voit des diables armés de harpons au milieu des flammes. Le client tremble comme la feuille et délie sa bourse» (45).
   
L'écrivain reste fidèle à cette pensée dans son autobiographie, publiée après sa mort, le Rapport au Greco: «Ah! criais-je, indigné, religion rouée qui repousse les récompenses et les châtiments dans une vie future, pour consoler les esclaves, les lâches, les opprimés, afin qu'ils puissent supporter sans gémir cette vie terrestre, la seule certaine, et baisser patiemment la nuque devant les maîtres ! Quelle Sainte Table de Jeu que cette religion, où l'on donne un sou dans la vie terrestre pour encaisser des millions éternels dans l'autre ! Quelle ingénuité, quelle rouerie, quel travail d'usurier ! Non, l'homme ne peut pas être libre, qui espère le Paradis ou redoute l’Enfer. C'est une honte désormais de s'enivrer dans les tavernes de l'espérance. Ou au fond des souterrains de la peur» (46). Dans ce même ouvrage, il poursuit également non sans rudesse: «Et soudain l'Eglise du Christ, ou du moins ce qu'en ont fait les porteurs de soutane, m'est apparue comme une bergerie où bêlent jour et nuit, s'appuyant les uns contre les autres, des milliers de moutons envahis d'une terreur panique, qui tendent le cou et lèchent la main et le couteau qui les égorgent [...] Mais l'être humain véritable n'est pas un mouton, ni un chien de berger, ni un loup, ni un berger ; c'est un roi qui porte avec lui son royaume et qui va, qui sait où il va, qui arrive au bord de l'abîme, ôte de sa tête et jette sa couronne de papier, se dépouille de son royaume et, comme un plongeur, tout nu, joint les mains et les pieds, se jette la tête la première dans le chaos et disparaît» (47).

    Cette thèse est transposée dans La dernière tentation, où l'on voit Paul, qui incarne l'Eglise institutionnalisée, dire à Jésus : «Moi, à force d'entêtement, de passion et de foi, je forge la vérité. Je ne m'efforce pas de la trouver, je la fabrique. […] Je deviendrai ton apôtre, que tu le veuilles ou non. Je te fabriquerai toi, ta vie, ton enseignement, ta crucifixion et ta résurrection, comme je l'entendrai. […] Qui te demande ton avis ? Je n'ai pas besoin de ta permission. Qu'as-tu à te mêler de mon travail ? » (48). Paul est ainsi présenté comme l'«inventeur», en quelque sorte, du christianisme. Nous sommes en plein anticléricalisme.
    A l'idée de la religion selon Kazantzaki pourrait s'appliquer l'aphorisme inquiétant de Jean Cocteau : «Regarde, spectateur, remontée à bloc, de telle sorte que le ressort se déroule avec lenteur tout le long d'une vie humaine, une des plus parfaites machines construites par les dieux infernaux pour l'anéantissement mathématique d'un mortel». (49) Ce piège est mis en relief par le schéma cyclique de l'histoire de La dernière tentation. Le récit commence, en effet, avec un individu, Jésus de Nazareth, qui cloue des morceaux de bois pour en faire une croix. Mais à la fin, il est lui-même crucifié, ce qui suggère qu'en réalité il était en train de clouer sa propre croix. Les analogies entre La Machine infernale (1934) de Cocteau et La dernière tentation sont étranges : toutes les deux racontent une histoire qui ne laisse aucune chance à l'individu (Oedipe ou Jésus) auquel elle arrive ; qui plus est, la fin de l'histoire est déjà connue d'avance. Mais cette crucifixion est dans les deux cas salvatrice.

      Trois jours avant sa mort, Eléni demandait à son mari : «Avez-vous trouvé Dieu ? » Nikos lui répondit : «Non, mais un autre le trouvera peut-être... » (50) Toujours dans Le dissident, Eléni nous rapporte le dernier jour de Kazantzaki : «Ce samedi [26 octobre 1957], deux ecclésiastiques entrèrent dans notre chambre. Le pasteur protestant, puis le prêtre catholique. Nikos retourna son visage vers le mur [...] Debout, ainsi qu'il avait vécu, il venait de rendre l'âme, semblable au roi qui avait pris part au festin, puis s'était levé, avait ouvert la porte, et sans se retourner, avait franchi le seuil» (51). Tout a ainsi été accompli, et c'était, sûrement, comme si tout commençait... «Peut-on être un saint sans Dieu ? », se demandait Tarrou dans La Peste d'Albert Camus. Avec son Christ, Kazantzaki semble nous souffler à la fois la réponse à cette question délicate et la morale de son oeuvre tout entière : vous êtes des saints autant que vous voulez l’être.

 

ANNEXE
La (cruci-) fiction de Martin Scorsese

    Le film que Martin Scorsese a tiré du roman de Nikos Kazantzaki sortit (après une longue gestation depuis 1983) en salle aux Etats-Unis d'Amérique du Nord et au Canada en août 1988. En Europe, il fut présenté, en avant-première, au Festival (Mostra Del Cinema) de Venise (hors compétition) le 7 septembre 1988. Avant même la soirée officielle, Radio Vatican condamnait dans ses émissions les films de Scorsese et «Une affaire de femmes» de Chabrol. Aussi bien aux Etats-Unis d'Amérique du Nord qu'en Europe, des groupuscules de l'extrême droite et des organisations para-ecclésiastiques avaient attaqué les cinémas et lancé des bombes sur les écrans. Un pasteur voulait même racheter les droits du film pour le détruire (ce qui lui a valu la réponse que la liberté d'expression n'est pas à vendre).
    Le film sortit à Paris le 28 septembre 1988. Un bon millier de catholiques intégristes avaient participé ce jour-là, sur la montagne Sainte-Geneviève à Paris, à un «chemin de croix», organisé par la fraternité Saint-Pie-X. A. Decourtray, archevêque de Lyon, qui était le Président de la Conférence Episcopale de France, et J.-M. Lustiger, archevêque de Paris, affirmaient qu'ils n'avaient pas vu le film. Pour eux, cependant, « vouloir porter à l'écran, avec la puissance réaliste de l'image, le roman de Kazantzaki est déjà une blessure pour la liberté spirituelle de millions d'hommes et de femmes, disciples du Christ». L. Schlumberger, pasteur de l'Eglise réformée de France, prit la défense du film : «on eût souhaité plus de retenue chez des évêques qui, dépossédant un cinéaste qui se dit chrétien du droit que pourtant ils reconnaissent à la "foule innombrable des disciples", se contredisent eux-mêmes. [...] Je ne crains en rien une oeuvre d'art, quelle que soit sa qualité, dont le regard est aussi légitime que le mien» (52). Précédés toutefois d'une grande croix en bois, les manifestants ont tenté d'envahir la salle U.G.C. du boulevard Saint-Germain, où le film était projeté. Des affrontements se sont alors produits entre les policiers et les manifestants. L'ordre de dispersion a été finalement donné par l'abbé Marchal, vicaire de Saint-Nicolas, qui déclarait : « Nous recourrons à ces manifestations autant de fois qu'il sera nécessaire». Au même moment, un millier de manifestants étaient rassemblés place de l'Opéra à l'appel de l'Alliance Générale contre le Racisme et pour l'Identité Française et Chrétienne (sic) et des comités Chrétienté-Solidarité, organisations présidées par B. Antony, alors député européen du Front National. Un journaliste catholique avait même porté plainte pour «atteinte à la mémoire et à la vie privée [sic] du Christ ». Les musulmans de France ont également protesté contre le film, qui, selon eux, «bafoue la mémoire de l'un des grands prophètes de l'islam». Le grand rabbin de France, J. Sitruk, choqué lui aussi par le film (sans l'avoir vu !) a déclaré qu'il se solidarisait avec les autorités religieuses catholiques. Presque tous se prononcèrent contre le film, mais en faveur de la liberté de création, tant il est vrai qu'il est plus facile de se montrer tolérant envers les oeuvres potentielles et les audaces virtuelles. Seule la Fédération protestante s'est déclarée accueillante à un «partage ouvert et utile» pouvant «s'instaurer à partir des questions posées aux uns et aux autres par le film et les témoignages des Ecritures». Une manifestation d'environ 1500 personnes pour la défense du droit du spectateur a été organisée par la Société des réalisateurs de films, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, les Etats généraux de la culture et les Partis socialiste et communiste. Elle fut soutenue par plusieurs cinéastes, dont Marcel Carné, Jacques Rivette, Paul Vecchiali et Claude Sautet.
    Par ailleurs, aux Etats-Unis d'Amérique du Nord, toute une campagne a été orchestrée par les organisations chrétiennes. 25 000 personnes, armées de croix et de pancartes, se sont réunies en Californie devant les studios d'Universal-MCA (productrice du film) pour demander son interdiction. On y a même vu le célèbre «Club des motocyclistes chrétiens » venir huer l'objet du délire ! En Italie, le puissant Office catholique de films a obtenu que la publicité du film soit la plus restreinte possible. Israël a carrément interdit le film sur son territoire. Les vagues de la polémique ont enfin déferlé sur la Grèce et d'autres pays, au point qu'on pouvait se demander si cette violence n'était pas coordonnée au niveau international.
     Et voici, pour terminer, l'apologie du réalisateur : «Ce film n'a pas été fait pour désacraliser la figure du Christ. Pour moi, l'approche de Jésus est un acte de foi. Mais je suis parti d'un roman et non de l’Evangile, parce que la démarche de Kazantzaki m'intéressait. C'est une exploration de la part humaine du Christ par les moyens purement humains que sont la psychologie et l'imagination. Jésus est toujours représenté comme Dieu, mais dans la société actuelle on ne comprend plus cette image divine. S'il est Dieu, il lui est facile de repousser la tentation. Alors que fait-il de notre lutte, des souffrances humaines ? Kazantzaki dit que le Christ découvre sa divinité à la fin de sa vie terrestre, qu'elle émerge de sa nature humaine, après qu'il a vécu comme nous, nos doutes et nos peines. Dans le film, la souffrance et le doute de Jésus sont quelque chose à quoi nous pouvons nous identifier. Nous rendons Jésus plus accessible et plus immédiat. Nous le prenons au sérieux alors que le monde ne le prend pas au sérieux (53). [ .. ] Je sais, par un ami prêtre, que le livre de Kazantzaki est utilisé dans les séminaires, non comme un autre Evangile, mais comme une parabole neuve et vivante sur laquelle on peut discuter. J'espérais que mon film remplirait cette fonction» (54).

 

Article paru dans Le Regard crétois, n° 22 - décembre 2000