En Octobre 2010, Georges-Guy Lourdeaux découvrait le site de la section française des Amis de Nikos Kazantzaki et envoyait à son webmestre plusieurs extraits des oeuvres de Kazantzaki pour alimenter la "Petite lecture du mois" et la "Bibliothèque". Tout en le remerciant pour cette contribution, le webmestre lui posait la question de sa rencontre avec Kazantzaki. Voici le beau texte qu'il écrivit en réponse.

 

" Nikos KAZANTZAKI : un frère pour la vie "

Mon nom est Georges-Guy LOURDEAUX-LOUVET.
Je suis enseignant, chanteur et musicien. Je donne des récitals pour la non-violence et la paix car j'aime qu'on respecte les droits humains, surtout les droits de l'enfant. Toute voix est plus belle quand elle dit l'amitié, la solidarité, l'amour, la paix, la liberté... Si toi aussi, tu crois cela, alors ces quelques lignes sont pour toi et tu vas aimer ce qui suit.

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J’avais vraiment trouvé un frère !

Je veux te parler d'un homme. Un ami merveilleux et toujours passionnant. Je suis sûr que tu l'aimeras de tout ton cœur et lui seras fidèle toute la vie. Mais permets-moi d’abord de te dire comment je l’ai découvert.A l’époque où j'étais étudiant à l’université de Dijon, en Faculté des Lettres, je me passionnais pour mille choses : musique, chant, dessin, droits de l'homme, non-violence, aussi bien que les fruits ou la crème glacée. Je jouais aussi du banjo dans un orchestre de jazz Nouvelle Orléans. J'aimais faire rire mes camarades : je me déguisais, imitais les accents de divers pays du monde. J’aimais aussi chanter et faire chanter mes amis ; ma guitare m’accompagnait partout. J’adorais aussi le soleil, la campagne, les vacances, la mer… C'est un âge où l'on déborde de vitalité et de joie de vivre. Un camarade me disait : " Tu me fais penser à "Alexis Zorba" de Nikos KAZANTZAKI... " Moi, j'avais l'insouciance de la jeunesse. J'ai répondu distraitement : " Ah? Désolé, je ne connais pas. " Il a été étonné : " Tu ne connais pas KAZANTZAKI? Pourtant, par ta façon de penser et de vivre, tu me fais penser à lui, ou à Zorba. Je suis certain que si tu le lisais, il te plairait beaucoup. Tu aurais l'impression de trouver un frère. "
L'écervelé que j'étais a continué son chemin sans se soucier de cet intello et de ses bouquins. J'ai honte!
Quelques années plus tard, l'étudiant joyeux avait, enfin, un peu mûri. J'avais également vu le film "Zorba le Grec" et en avais été troublé, profondément. J'eus envie d'acheter le livre "Alexis Zorba" et là… ! Bon sang, mon camarade avait vu juste! Ce fut le coup de foudre pour Nikos KAZANTZAKI : j'avais vraiment trouvé un frère!
J'avais alors une vingtaine d'années, j'en ai une bonne quarantaine de plus, mais toujours la même affection passionnée pour Nikos KAZANTZAKI et pour Zorba.

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Je n'espère rien, je ne crains rien, je suis libre! "

Peut-être te demandes-tu la raison de cette passion ? Tu te dis que le soleil ou les études m’ont détraqué la cervelle ou qu’avec l’âge, je suis devenu un vieillard cacochyme qui n’a plus de force que pour divaguer à propos de bouquins… Détrompe-toi, mon ami ! Et laisse-moi plutôt te parler un peu de Nikos KAZANTZAKI.Ce que tu sens de façon confuse dans ton esprit ou ton cœur, cet homme sait le dire avec des mots couleur d'oranges, des mots sucrés comme figues mûres, des mots qui chantent comme sonne un bouzouki, des mots puissants comme la mer en colère quand le vent la soulève, des mots brûlants comme le soleil d'Afrique, perçants et profonds comme " le regard crétois " qui ne craint pas de sonder l’abîme sans trembler... Tu comprends? Cet homme-arbre qui plonge ses racines dans la matière et pousse fièrement ses branches dans la lumière de l'esprit et l'or du soleil, cet homme-oiseau capable, d’un coup d’ailes, de s’élever vers les plus hautes pensées sans oublier que son nid est sur la terre parmi les autres oiseaux, ce géant des mots et de la pensée, cet intellectuel engagé au service de ses frères les hommes, cet écrivain colossal et brillant, auteur d’une " Odyssée " de 33333 vers et qui aurait mérité cent fois le Prix Nobel de Littérature, au point de recevoir l'hommage d'Albert CAMUS, ce Crétois audacieux au cœur généreux, cet ami discret et fidèle dont les livres te nourriront mieux que ne le font les fruits ou le pain, te rafraîchiront mieux que les vagues claires de Méditerranée, c'est lui : Nikos KAZANTZAKI !
Lis une seule de ses pensées et tu la sentiras germer en ton cerveau comme graine en bonne terre!
Touche un seul de ses livres et tu voudras les lire tous!
Avec Nikos KAZANTZAKI, tu vois le monde avec des yeux neufs. Tu poses tes pas en Crète, en Grèce, bien sûr, et sur toute la Terre qu'il aime et arpente en fin connaisseur. Ses récits de voyages sont passionnants : Espagne, Chine, Japon, Russie... Tu préfères explorer le temps plutôt que l'espace? Fort bien! Nikos t'invite à t'immerger dans l'Histoire ou les légendes de Crète, dans les voyages d'ULYSSE ou le Palais de Minos, ce roi plein de sagesse. Tu es justement en quête de sagesse? Tant mieux! KAZANTZAKI te fera marcher sur les pas des grands maîtres spirituels, JESUS, BOUDDHA, FRANCOIS D'ASSISE... Tu as plutôt un tempérament d'artiste? Nikos partagera avec toi son goût pour l'oeuvre peinte du GRECO. Tu es une " souris papivore " et dévores les livres? KAZANTZAKI te dira la " Divine Comédie " de DANTE. Trop intello pour toi? Tu as les pieds sur terre, dis-tu? Alors, tu aimeras ce bon Zorba, l'homme qui danse quand l'émotion est si forte qu'il ne trouve plus les mots pour parler. Et oui! Nikos KAZANTZAKI, c'est tout cela! Un univers entier dans le cerveau et sous la plume d'un homme. Une lumière quand le monde te semble obscur, une source fraîche quand tu brûles de soif, une voix fraternelle quand tu vacilles, un exemple quand tu t'efforces d'écrire ou, mieux encore, de vivre en homme libre et responsable.
Que fais-tu lorsque tu te sens écrasé de soucis et de fatigue, ou quand, pour te ressourcer, tu éprouves le besoin de t'unir à la beauté du monde? Tu retournes vers la mer, tu plonges dans l'eau limpide, savoures sa fraîcheur salée, contemples sa transparence, piques de la tête et descends vers les rides nacrées du vert pays des poissons, puis tu remontes et jaillis à la lumière, dans une gerbe de mousse et de perles, enfin tu ressors plus fort au feu du soleil et viens t'étendre, joyeux, sur le sable. Et bien à présent, plonge à nouveau, mon ami, plonge : dans l'oeuvre de Nikos KAZANTZAKI ! L’homme libre ! Le dissident ! L’homme solidaire de ses frères les hommes. Plonge, mon ami, dans cette œuvre pleine de vie. Tu verras : cet océan est source de force, de sagesse et... de bonheur.
Grâce à Nikos KAZANTZAKI, et avec lui, tu pourras dire :
" Je n'espère rien, je ne crains rien, je suis libre! "

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Voilà, mon ami. Te parler de KAZANTZAKI m’a conduit aussi à parler un peu de moi - trop, peut-être ? J’espère que tu me le pardonneras. Du moins aurai-je parlé avec mon cœur.
A présent, il est temps de nous séparer. Je te souhaite un long voyage au sein de l’œuvre de Nikos KAZANTZAKI. Je sais que tu y trouveras ce que tu y cherches et, mieux encore, ce que tu n’y cherchais pas mais te surprendra et te grandira. Car telle est la magie de Nikos KAZANTZAKI : il sait faire germer en nous ce que nous portons de meilleur.

Georges-Guy LOURDEAUX-LOUVET
Provence – 10 Décembre 2010