ALEXIS ZORBA

 

Dans un café du Pirée, les voyageurs des bateaux en partance attendent la fin de la tempête. Un écrivain qui médite à l’écart se rappelle avec nostalgie l’un de ses meilleurs amis, accompagné ici-même autrefois et qu’il n’a pas revu. Arrive Zorba qui lui parle et lui plaît. Il lui demande d’aller exploiter avec lui une mine qu’il possède en Crète. A l’arrivée des deux amis en Crète, Madame Hortense, une française les accueille et commence le récit de sa vie. Zorba et l’écrivain s’installent dans une maisonnette sur la côte. Pendant que Zorba travaille  à la mine, l’écrivain compose son Bouddha, distrait par une séduisante veuve. Zorba va passer quelques jours à Héraklion pour se procurer tout le matériel nécessaire à la construction d’un téléphérique de son invention. Pendant les fêtes pascales, Madame Hortense tombe malade et la veuve est lapidée par les villageois. Le téléphérique s’écroule au moment de l’inauguration. Zorba et l’écrivain dansent pour oublier et passent dans leur maisonnette leur dernière soirée crétoise.

 

1 Semblable à l’enfant, il voit toutes choses pour la première fois. Sans cesse, il s’étonne et interroge. Tout lui paraît miraculeux et, chaque matin, quand il ouvre les yeux et voit les arbres, la mer, les pierres, un oiseau, il reste bouche bée.
2

- Il faut que tu le saches, je suis un homme.

-          - Un homme ? Qu’est-ce que tu veux dire ?

-          - Eh bien, quoi, libre !

3 Si je devais dans le monde d’aujourd’hui choisir un guide de mon âme, c’est sûrement Zorba que je choisirais. Car c’est lui qui possédait ce dont un gratte-papier a besoin pour être sauvé : le regard primitif qui saisit de haut, comme une flèche, sa proie ; l’ingénuité créatrice, qui se renouvelle chaque matin, qui voit sans cesse tout et donne une virginité aux éléments éternels et quotidiens – le vent, la mer, le feu, la femme, le pain ; une main sûre, un cœur frais, le courage de plaisanter sa propre âme, comme s’il avait au fond de lui-même une force supérieure à l’âme et enfin, le rire éclatant  et sauvage, venu d’une source profonde, plus profonde encore que les entrailles de l’homme, qui jaillissait, rédempteur, aux instants critiques de la vieille poitrine de Zorba et quand il jaillissait, il pouvait abattre et abattait tous les murs – morale, religion, patrie – que l’homme misérable et peureux, a élevés autour de lui pour cheminer clopin-clopant, en sûreté, sa pauvre vie.
4 Pendant que tu parles, j’observe tes bras, ta poitrine. Et bien, qu’est-ce qu’ils font ? Ils restent muets. Ils ne disent rien comme s’ils n’avaient pas une goutte de sang. Alors avec quoi veux-tu comprendre ? Avec la tête ? Pff.
5 Il existe autant de bonheurs qu’il y a de tailles d’hommes… J’ai coupé mon bonheur à ma taille.
6 Il y a en moi un démon qui crie et je fais ce qu’il veut et chaque fois que je suis sur le point de perdre pied, il m’ordonne : danse et moi je danse et je me sens soulagé.
7 Possible que nous ne les sauvions pas, mais nous nous sauverons nous-mêmes en nous efforçant de sauver les autres… La seule façon de te sauver toi-même, c’est de lutter pour sauver les autres.
8 « Souris papivore ». Moi qui aimais tant la vie, comment m’étais-je laissé empêtrer depuis si longtemps dans ce fatras de bouquins et de papiers noircis !
9 Un vieux grand-père était en train de planter un amandier. « Eh ! petit père, je lui fais, tu plantes un amandier ? » Et lui courbé comme il était, il se retourne et me dit : « Moi mon fils, j’agis comme si je ne devais jamais mourir ». Et moi, je lui réponds : « J’agis comme si je devais mourir à chaque instant ». Qui de nous deux avait raison, patron ?
10 "Dis-moi ce que tu fais de ce que tu manges et je te dirai qui tu es. Il y en a qui transforment ça en lard, d’autres en travail et bonne humeur, et d’autres en Dieu."
11 Mes joies ici sont grandes parce que très simples, faites des éléments éternels : air pur, soleil, mer, pain de froment.
12 « Confucius dit « Beaucoup cherchent le bonheur plus haut que l’homme ; d’autres  plus bas. Mis le bonheur est à la taille de l’homme »… Tel est mon bonheur  aujourd’hui : je le mesure, le remesure, inquiet pour savoir quelle est maintenant ma taille. Parce que tu le sais bien la taille de l’homme n’est pas toujours la même.
13 Tu as vu Zorba quand tu mets une loupe au soleil et que tu rassembles tous les rayons sur un seul point ? Ce point-là prend bientôt feu. Pourquoi ? Parce que la force du soleil ne s’est pas éparpillée, elle s’est rassemblée sur un seul point. De même l’esprit de l’homme. On fait des miracles en concentrant son esprit sur une seule et même chose.
14

- Que vois-tu sur cette feuille, Père Vénérable, qui te fasse pleurer ?
-      Je vois le Christ crucifié.
Puis il retourna la feuille et son visage se mit à resplendir.
-      Que vois-tu à présent sur cette feuille ?
-      Je vois le Christ ressuscité, mon enfant.